43e ÉDITION DU FESTIVAL DE CINÉMA DE DOUARNENEZ
PEUPLES ET LUTTES EN GRÈCE
21-28 août 2021 – Douarnenez

Attention : l’inauguration aura lieu samedi 21 août à 11h30 sur parking du centre

Édito du Festival de cinéma de Douarnenez

« ON NOUS DISAIT, VOUS VAINCREZ QUAND VOUS VOUS SOUMETTREZ. NOUS NOUS SOMMES SOUMIS ET NOUS AVONS TROUVÉ LA CENDRE. »1

Fin 2019, encore portés par les fraternités algériennes lors d’une édition qui a dépassé nos espérances, nous décidions de rejoindre l’autre rive de la Méditerranée. Cette mer frontière devenue à la fois Achéron (fleuve du chagrin), Cocyte (torrent des lamentations), Styx (fleuve de la mort et de l’horreur), Léthé (ruisseau de l’oubli).

Toujours à l’écoute, nous y entendions le récit des cruautés d’une Europe indifférente et sans pitié. Nous découvrions l’étendue de notre ignorance (ou de nos oublis) concernant l’histoire récente de la Grèce. La géographie d’Athènes, où nous nous sommes rendus début 2020, dit le poids d’une Antiquité mythifiée, réservée aux touristes qui n’auront pas un regard pour leurs contemporains. Ils ne verront pas les quartiers où s’est installée une large part de la population grecque fuyant les campagnes à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, ceux où se réfugièrent les Grecs chassés de Turquie après la Première Guerre mondiale. L’histoire est là, sous nos yeux. La ville témoigne des effets du traité de Lausanne (1923). Les vainqueurs imposèrent de nouvelles frontières afin « d’assurer l’homogénéité religieuse des populations ».
Nous constations qu’en Grèce nous avions beaucoup à observer, à apprendre ou désapprendre de nos cours d’histoire. Ici, les scènes de liesses de la Libération se transformèrent en un terrible affrontement suite à la trahison des alliés qui choisirent le camp des collaborationnistes pour diriger une Grèce qui restera sous domination.
Réfugiés, frontières, trahison, domina- tion… des mots qui résonnent fort en Grèce et dont l’écho couvre toute l’Europe.
Nous en étions là quand… un bruit nous parvint d’une catastrophe mondiale. Nous avons eu du mal à y croire, sans doute par arrogance, mais nos amis grecs, algériens, du monde entier (en 43 ans le festival a noué des amitiés nombreuses et diverses) nous dirent leurs inquiétudes. Nous avons alors pris régulièrement de leurs nouvelles afin de les partager via ce que nous avons intitulé le Kezako pour l’après.
Depuis, même s’il fallut reporter la 43e édition, nous n’avons pas tout arrêté, bien au contraire. Le comité de sélection du Grand cru Bretagne a poursuivi ses visionnements et fait une sélection qui témoigne de la richesse et de la diversité de la création cinématographique en Bretagne. La Grande tribu qui accueille des films sur des thématiques qui nous sont chères et de cinéastes dont nous suivons le travail s’est étoffée. Nous sommes restés attentifs à la cinématographie et aux préoccupations en lien avec le Monde des Sourds et les questions de genres… Le jeune public, toujours plus nombreux, n’a pas été oublié.
Nous avons repensé les espaces d’accueil et de convivialité… et surtout repensé la manière d’être un « nous ». Pas loin d’une centaine de personnes, équipes salariées, membres du Conseil d’administration, adhérents, bénévoles réguliers… se sont mobilisées et continuent à le faire pour que perdure cet outil convivial2 qu’est le Festival de cinéma de Douarnenez.
Lors de cette 43e édition, nous parlerons également d’ici, des questions qui concernent la terre, la manière de l’habiter, de la cultiver, de s’en nourrir, de préoccupations que nombre de nos invités partagent avec nous, année après année.
Préoccupations anciennes et toujours actuelles dont se faisait écho le poète Paol Keineg en 1967 dans ses Barzhonegoù- trakt :
Yann Gouer
dour ar reverzhi hiziv a dizh da c’houriz
sed an noz kaouledek
an noz kentraouiet gant gwazed o c’hweziñ Yann Gouer
Kelc’hiet en o lezennoù hudur
strinkañ a rez diouzh fankigell an noz. Bremañ pep munutenn a gont
Pep brec’h pep ger pep tav
evit disac’hañ diouzh bouzelloù ar gwasker.3
Après une année suspendue, nous avons donc hâte de partager toutes les nourritures : émotions, réflexions, connais- sances, moussaka et kouign amann.

 

Nous, association Festival de cinéma de Douarnenez

 

__________

1. Georges Séféris, extrait de Stratis le marin décrit un homme, traduit du grec par Jacques Lacarrière et Égérie Mavraki, collection Poésie, éditions Gallimard.

2. Nous nous référons ici à la définition qu’en donne Ivan Illitch dans La convivialité, éditions Le Seuil, 1973 : « L’outil convivial est celui qui me laisse la plus grande latitude et le plus grand pouvoir de modifier le monde au gré de mon intention. (…) L’outil est convivial dans la mesure où chacun peut l’utiliser, sans difficulté, aussi souvent ou aussi rarement qu’il le désire, à des fins qu’il détermine lui-même. L’usage que chacun fait n’empiète pas sur la liberté d’autrui d’en faire autant. Personne n’a besoin d’un diplôme pour avoir le droit de s’en servir ; on peut le prendre ou non. Entre l’homme et le monde, il est conducteur de sens, traducteur d’intentionnalité. »

3. Extrait du poème Quimper, Redon, octobre 1967, publié dans le recueil paru en 1971 aux éditions P. J. Oswald, Chroniques et croquis des villages verrouillés, suivi de Territoire de l’aube, Poèmes tracts, Quelques poèmes d’amour.

Paysan / l’eau de la révolte aujourd’hui t’arrive à la ceinture / c’est la nuit grumeleuse / la nuit éperonnée par les hommes en sueur / Paysan / encerclé par leurs lois immondes / tu jaillis du bourbier de la nuit. / Maintenant chaque minute compte / chaque bras chaque mot chaque silence / pour te sortir des intestins de l’oppresseur.

Traduction du breton, par Paol Keineg lui-même